La synchronicité, de Jung à la Loi de l’Attraction
Lors d’une consultation où il est question d’un rêve mettant en scène un scarabée doré en Egypte, Carl Gustav Jung entend frapper à sa fenêtre: un coléoptère aux reflets dorés vient de heurter sa vitre. Intrigué depuis toujours par les mystérieuses forces invisibles qui semblent diriger en coulisses la réalité tangible, le père de la psychologie des profondeurs pressent dans cet incident bien plus qu’une facétie du hasard; à partir de ses correspondances privées – notamment avec Wolfgang Pauli, physicien quantiste – et de ses analyses de terrain, il va patiemment explorer des pistes qui le conduiront à l’élaboration de l’un de ses concepts les plus célèbres: la synchronicité.
Pour bien comprendre la synchronicité, il faut la resituer dans son contexte de création. Empiriste éduqué par un pasteur protestant et une mère versée dans l’occultisme, Jung cultive assidument son intériorité dès l’enfance ainsi qu’une insatiable soif de connaissances. Il sera sa longue vie durant son premier cobaye – avec une lucidité rarement soulignée – laissant une oeuvre complexe que l’on pourrait résumer ainsi: la vie serait l’appel naturel à alchimiser les opposés pour les faire passer du conflit inhibiteur à la collaboration créatrice; cette cuisine interne s’appuierait sur la vie concrète, sur laquelle nos images intérieures exerceraient une influence tout en se laissant modifier par elle.
Convaincu que sciences dures et métaphysiques sont deux langages décrivant depuis différents points de vue les mêmes dynamiques biologiques et existentielles, Jung postule au fil du temps l’existence d’:
– un continuum entre les différents états de l’énergie, des plus subtils aux plus matériels
– une énergie psychique, la libido, ayant pouvoir de vitaliser les objets auxquels elle s’attache
– une interaction entre le psychisme humain et la réalité concrète à travers des mécanismes de projection et d’introjection
En d’autres termes, nous pourrions dire que Jung propose une psychologie « quantique » où l’observateur agirait sur le réel à travers l’orientation de sa libido, donnant vie à ses intentions en les alimentant en interne (intensité émotionnelle et récurrence de pensées), avec pour effet secondaire plus ou moins spectaculaire leur manifestation extra-psychique. La synchronicité serait donc la matérialisation formelle d’un contenu psychique chargé en libido. Dans l’anecdote clinique de Jung, c’est ce coléoptère qui surgit dans la réalité physique en « réponse » au récit d’un rêve ayant profondément impacté le patient.
On reconnaîtra sans peine à travers la synchronicité les principes qui sous-tendent la très populaire Loi de l’Attraction vulgarisée par des ouvrages tels que Le Secret ou encore la série de La Prophétie des Andes. Et si l’on peut déplorer que reste encore trop méprisée l’oeuvre pionnière de Carl Gustav Jung, nous pouvons aussi nous réjouir de voir refleurir sans cesse les germes du mythe, levain magique et invisible de l’incarnation.