Olivier Chambon
« La conscience est la qualité première de l’univers. »
Propos recueillis par Delphine Lhuillier
Olivier Chambon, vous êtes médecin-psychiatre, psychothérapeute et vous avez écrit de nombreux ouvrage. Nous allons évoquer ensemble à la fois la médecine, la psychiatrie, les psychédéliques, le chamanisme, autant de notions qui, généralement en France, sont incompatibles. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Mon interrogation transpersonnelle a véritablement commencé en 2004, quand je me suis formé à l’EMDR, puis à l’hypnose en 2005. Au cours de ma formation, j’ai vécu une expérience extraordinaire. J’ai commencé à puiser des informations dans les livres. Dans son ouvrage, « Quand l’impossible arrive »(1), Stanislav Grof raconte toutes les expériences extraordinaires qu’il a vécues. Il y évoque la kétamine. Quelque temps plus tard, au cours d’un voyage au Pérou, on me propose d’en ingérer. Ce fut une grande rencontre.
De quelle nature ?
Après cette expérience, j’étais convaincu qu’il existait différents niveaux de conscience en interaction avec nous. Pour enrichir mes connaissances, j’ai eu la possibilité d’intégrer en 2008 la FSS, Foundation for Shamanic Studies, créée par Michael Harner(2), un anthropologue américain qui a étudié tous les chamanismes du monde. Il en a retiré les composantes principales (core shamanism) et communes à toutes les traditions. Il l’enseigne aujourd’hui aux Occidentaux, aux Etats-Unis et à travers toute l’Europe. Dans ce cursus, j’ai compris que le chamanisme était un état d’esprit. Autrement dit, j’ai un esprit, vous avez un esprit et il existe des esprits qui ne sont pas nécessairement humains. Ils peuvent interagir avec nous et nous pouvons collaborer avec eux dans l’intention d’aider, de soigner, pour obtenir des informations ou de l’énergie.
En quoi la médecine psychédélique consiste-t-elle ?
Contrairement à la médecine chamanique qui utilise des plantes naturelles comme l’ayahuasca ou l’iboga, la médecine psychédélique utilise des substances de synthèse ou extraites de plantes qui permettent de traiter des syndromes psychiatriques ou des maladies physiques de manière spectaculaire, en une ou deux prises. Il existe aujourd’hui un mouvement de citoyens américains qui plaident pour l’utilisation thérapeutique des champignons et du LSD afin de soulager les douleurs qui ne trouvent pas de réponses médicales. La kétamine, par exemple, injectée en intraveineuse lente, ou en intramusculaire, fait disparaître les symptômes de la dépression en quatre à douze heures. Quand un anti-dépresseur agirait en deux ou trois semaines minimum. Il a également été démontré que la kétamine était le meilleur traitement pour le sevrage des héroïnomanes et des alcooliques par rapport à d’autres programmes existants.
Pourquoi ne pas utiliser la kétamine dans ce cas ?
Tous ces produits transforment les personnes. Ils changent leur conscience. Ça fait peur ! La prise d’une substance psychédélique doit s’entourer de respect, de réceptivité. Elle doit avoir lieu dans un cadre magnifique, être animée d’une intention particulière et accompagnée par des techniques respiratoires et énergétiques qui permettent de canaliser l’énergie qui en résulte. Je crois que nous en faisons un mauvais usage parce qu’il n’existe aucune pédagogie et que c’est interdit. Or, toutes ces substances pourraient devenir initiatrices. Dans certaines anciennes peuplades, les adolescents étaient séparés de leur mère, pris en charge par les hommes du groupe et ils devaient vivre une épreuve, souvent en lien avec une mort symbolique. Quand ils revenaient au village, ils portaient un nouveau nom et avaient un nouveau rôle à tenir. Ils étaient devenus des hommes. Parfois, des plantes « inspirantes » étaient prises ou une quête de vision était initiée.
Il ne s’agit donc pas seulement de guérison, mais aussi de connaissance de soi ?
Il existe effectivement deux aspects : thérapeutique (effet psycholytique) et transpersonnel (effet psychédélique). La prise de substance peut être une ouverture à la spiritualité. Elle nous permet d’accéder à notre inconscient, voire à un extra-conscient : la perception d’autres mondes, d’autres réalités.
Comment définiriez-vous la conscience ?
La conscience est la qualité première de l’univers. Je la vis comme une eau cristalline qui baigne l’univers. Elle peut tout refléter et tout créer. Elle n’a ni début ni fin. Elle relie tous les êtres entre eux. Vous, c’est moi et moi, c’est vous. Nous avons une seule et même conscience, mais nous l’avons oublié dans l’illusion de la séparation. La conscience est aussi un peu comme un diamant. Elle n’a pas de contenu réel, en revanche, elle a des propriétés. Ses facettes, ses modalités d’expression, sont l’amour, la joie, la paix et la félicité.
Pourrait-on dire que la destinée d’un être humain consiste à incarner cette conscience ?
La destinée d’un être humain consiste à retrouver cette conscience. Le Bing Bang n’a pas eu lieu seulement au niveau matériel, il a également eu lieu au niveau spirituel, intellectuel. Dieu est une conscience en expansion qui créé généreusement des formes et qui veut apprendre. Il crée des mondes dans lesquels il essaie de remettre de la conscience, de l’amour. Nous sommes là pour spiritualiser la matière et pour matérialiser l’esprit. Ce sont deux mouvements. Nous sommes un peu les tentacules de Dieu, des pionniers envoyés dans la matière. Ceux qui ont eu une vie difficile ont une grande quantité de glaise à travailler, à spiritualiser.
Il s’agirait d’imprégner de conscience chacune de nos cellules ?
Oui, mais il faut avoir un mental suffisamment calme. Si une eau est vaseuse, il ne faut pas la remuer en l’agitant, mais la laisser reposer. L’eau, en se déposant, devient cristalline et vous pouvez voir à travers. C’est la même chose pour la conscience. Quand le mental se calme, que le cœur est ouvert, le corps stabilisé, une vision pénétrante peut s’éveiller.
(1) Stanislav Grof, « Quand l’impossible arrive », Guy Trédaniel, 2007.
(2) www.chamanisme-fss.org