Je ne suis pas standard! Et alors?
Que celle qui n’a jamais été toisée par une frêle vendeuse de prêt à porter parce qu’elle n’entre pas dans du XS me lance la première tablette de chocolat. Dans un monde hanté par le spectre de 1984 (1), j’ai parfois envie de crier: « Je ne suis pas standard ! Et alors ?». En particulier lorsque se pose à moi la question de…
…l’apparence
Les modes ne sont que l’esthétique d’un arbitraire. Reflets d’une tendance éphémère, elles nous sont imposées par une minorité habile à détourner pour son profit personnel les besoins qui motivent le comportement humain. Les formes, couleurs et motifs ont beau alterner, le jeu de dupes subsiste: autoriser un tiers à juger de notre beauté à l’aune de notre désir ou capacité d’adaptation aux stéréotypes d’un ego de masse, ne sera jamais un tremplin vers l’émancipation. C’est au mieux changer de corset, au pire se maintenir volontairement en esclavage.
…la philosophie de vie
La société hédoniste que nous avons créée s’est mue en dictature du jouir prémâché: posséder ce que l’on nous recommande ne suffit plus pour être heureux, il faut en plus aimer ça, y compris malgré soi ! Or, le bonheur n’est pas un objectif à cocher sur une check list pour réussir sa vie. Etat d’âme fugace, il transparaît dans la matière en empruntant des chemins qui, conformistes ou non, restent personnels. Echappant au carcan de la logique, rebelle qui se moque du « politiquement correct », c’est paradoxalement lorsqu’il ose accueillir la différence qu’il se révèle le plus fédérateur.
…la personnalité
Dans ses écrits, Jung insiste sur ce point : surinvestir une facette du Moi c’est fragiliser l’âme. Les approches humanistes l’ont bien compris en développant le concept de subpersonnalités : le « Je » serait en réalité un « nous » qui pour fonctionner devrait constamment s’organiser, débattre, négocier… Hélas, nos éducations individuelle et collective nous poussent à imputer la responsabilité de nos choix à l’extérieur (nos parents, la société, le patriarcat, le capitalisme…etc). Ce faisant, nous oublions que nous avons le pouvoir de décider qui nous sommes et comment l’exprimer, indépendamment des définitions subjectives que cherche à nous imposer – souvent bien innocemment – le reste du monde (2).
Mais que l’on soit poète ou scientifique, chantre de l’analogie ou de la statistique, il existe un terrain de convergence: c’est en observant la Nature que l’on apprend sur notre nature. Ainsi, tant la biologie que le chamanisme nous enseignent que la collaboration d’éléments disparates fortifie la vie ; à l’inverse, l’histoire nous a souvent douloureusement montré combien « l’uniforme » appelait le bruit des bottes.
Lorsque je regarde autour de moi, je me demande si la seule norme qui vaille, ce n’est pas la diversité. Voilà pourquoi j’ai parfois envie de crier : «Je ne suis pas standard ! Et alors ? ».
(1) roman de George Orwell décrivant une société uniformisée dirigée par un chef invisible et omniscient, Big Brother. Dans ce monde liberticide on parle le Novlangue (langage universel minimaliste), la délation des subversifs est encouragée et la sexualité hors reproduction punie de mort (sex crime).
(2) Ce que Miguel Ruiz dans les Accords Toltèques qualifie de « rêve »