L’art de laisser s’exprimer spontanément son âme
Un homme sage m’a dit un jour: « tu ne peux pas accompagner les autres là où tu n’es pas toi-même allée ». Tandis que le choix d’un sujet de billet s’imposait à moi, j’ai repensé à cette phrase et me suis interrogée sur ma prétention à exercer comme psychanalyste: quelle légitimité m’apporte mon expérience? Qu’ai-je appris en cours de route qui m’autorise aujourd’hui à servir de guide à autrui? J’ai repensé à mon enfance, aux moments de doutes et de joies intenses, aux épreuves et aux expériences extatiques, à mes rêves, et c’est ainsi que m’est apparu une réponse: j’ai acquis l’art de laisser s’exprimer spontanément mon âme.
Pour emprunter cette voie, il suffit de postuler que l’humain est plus qu’un réplicant (1) qui se leurre pour supporter la vacuité de son séjour terrestre. Ce gigantesque petit pas effectué, un rien permet de déchirer le voile de l’invisible: un crayon, un bloc d’argile, quelques couleurs, un cahier….D’abord mettre le mental en position « OFF » puis solliciter l’âme à travers le corps qu’elle habite: « Amie, par les douleurs, les craquements, les tensions, les silences qui me traversent, qu’as-tu à me dire? Enseigne-moi ton langage, guide- moi vers l’outil expressif qui te siéra le mieux! ». Comme ensorcelée, voici la main qui parcourt une feuille, caresse la terre, joue du crayon, pour que du chaos surgisse progressivement un ordre insoupçonné. Parfois la voix l’accompagne ou bien les jambes, la tête et les bras, puis l’ensemble de la structure physique qui se déploie pour calligraphier l’espace. Bientôt, entre deux décharges primitives d’émotions trop longtemps contenues une perle émerge du fond de l’inconscient: c’est ce trésor de sagesse caché à l’ombre de nos souffrances, ce que l’on avait pris pour l’oeil d’un monstre marin et dont l’éclat révèle la beauté du voyage entrepris! D’aucuns vous diront même – mais il faut le vivre régulièrement pour s’en faire une vérité – que dans sa nacre on peut lire l’avenir, voire se fabriquer un sextant…
Je confie souvent en riant à mes patient(e)s: « L’inconscient est un « trickster » (2)! Chaque fois que vous croyez l’avoir démasqué, il change de tactique et les symptômes de la problématique mutent ». Ce fils de l’âme est aussi, comme le diraient mes filles, notre BFF (3): si nous prenons le temps de tourner notre attention vers lui et si nous lui donnons les moyens de communiquer avec notre mental analytique, c’est tout un océan d’amour aux joyaux enfouis qui s’offre à nous pour traverser la vie.
(1) Personnages de la nouvelle de Philip K Dick « les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? », les réplicants sont des robots anthropomorphes qui ignorent leur nature de corps-machine
(2) le « trickster » est une figure mythique universelle dont les représentations les plus connues sont Coyote, Exù, Hermès ou encore Loki. Adepte de l’humour potache, il est le bouffon irrévérencieux qui distille son enseignement avec un humour parfois féroce mais faisant toujours mouche!
(3) Best Friend Forever ou meilleur ami pour la vie