Réhabiliter la femme puissante
Régulièrement j’évoque dans mes billets ou au détour de conversations ce groupe de femmes que j’accompagne depuis cinq ans (et réciproquement). Cette nouvelle saison se place sous la bénédiction des déesses, puisque c’est la typologie de Jean Shinoda Bolen que nous avons choisi d’explorer en rêve éveillé dirigé (1). Suivant la progression de l’auteure dans son livre culte Goddesses in everywoman, c’est avec Artémis que nous avons initié notre voyage intérieur entre expérience consciente de la sororité et reconnexion à sa nature instinctive.
Comme toujours, nous nous sommes émerveillées de la diversité des ressentis et de la profondeur des messages reçus depuis l’invisible (2). La résistance inattendue et quasi générale à l’un des attributs d’Artémis, la chasse, m’a toutefois troublée. A ma connaissance, toutes les participantes sont carnivores et se ravitaillent dans des circuits qui, même labellisés bios, restent basés sur l’exploitation d’êtres vivants. Pourtant, face à une induction laissant la porte ouverte à l’interprétation, plusieurs d’entre elles ont résisté à s’identifier à une chasseresse parce qu’elles associaient cette fonction à la barbarie.
L’anecdote m’apparaît signifiante : dans notre inconscient de femmes, chasser pourrait se résumer à une brutale activité de mâle synonyme d’assassinat de créatures innocentes. Derrière cette répulsion pourrait se terrer la certitude que la femme, parce qu’elle est porteuse de vie, ne peut qu’être vouée à la douceur maternante après avoir été fécondée. Or la chasseresse Artémis est aussi la patronne des parturientes, nous rappelant que la première lutte qu’il nous faudra mener, en collaboration avec notre mère, c’est l’entrée dans la vie. Ce passage sollicite notre pulsion vitale, notre agressivité et une bonne dose de concentration pour rester centrés sur l’objectif : s’extraire de la matrice où nous nous sommes développés pour partir explorer le monde. La fougueuse Déesse n’attend pas qu’on la sorte du ventre maternel, elle en prend l’initiative parce qu’elle trouve son épanouissement dans l’accomplissement des buts qu’elle se fixe au fil du temps. L’autonomie est la véritable proie qu’elle piste sans relâche en s’appuyant sur son intelligence corporelle et son goût du dépassement de soi. Et si sa complicité avec son jumeau Apollon n’est pas exempte de compétition, le fait qu’elle l’ait mis au monde fait d’elle une initiatrice puisqu’il ne lui suffit pas d’ouvrir le chemin, il faut encore qu’elle le transmette ou le partage.
C’est pourquoi honorer Artémis en nous ,c’est réhabiliter notre puissance de femme, individuellement et collectivement.
(1) il s’agit de placer les participant(e)s en état de relaxation puis de les inviter à visualiser/percevoir un scénario.
(2) Terme choisi par convention pour évoquer indifféremment l’inconscient, les énergies, Dieu, les esprits…etc, et ainsi respecter la diversité des croyances du groupe