éloge de l’introversion
Nous vivons dans des sociétés pour lesquelles l’hyper production matérielle est synonyme de réussite. Nous accumulons les talents, consommons les expériences ou encore rentabilisons les liens dans lesquels nous avons investi ; élargir l’empan de nos empires s’est mu en moteur et l’extraversion (1) en drogue. Nous n’avons plus le temps de contempler l’infini qui nous habite parcequ’ une épée de Damoclès temporelle plane au-dessus de nos têtes: être fauchés sans laisser à la postérité une trace personnelle de notre incarnation. Alors nous redoublons d’ efforts à des fins conjuratoires afin de mettre la mort à distance ou monnayer un sursis, ce qui paradoxalement finit par nous épuiser.
Comme n’a cessé de l’écrire implicitement Philip K Dick dans ses nouvelles d’anticipation, une idée qui se propage, même maladive, finit par être perçue comme une vérité. Nous transmettons désormais le culte de l’agitation dans nos écoles et pourrions même découvrir un jour qu’il a fait muter nos gènes par souci d’efficacité Darwinienne. Le burn out (2) rivalise avec la dépression ; comme elle, on entend l’éradiquer à coup d’anxiolytiques, faisant ainsi l’économie d’une remise en cause sincère de nos choix de vie et des croyances qui les sous-tendent.
Face à la tourmente et à l’excès de stress extérieurs, le repli vers son refuge intérieur s’avère pourtant la réponse la plus sensée. Ceux qui vivent en synchronie avec la nature savent combien est nécessaire ce retournement cyclique de l’attention et de l’intention vers le monde intérieur afin de se régénérer. A l’heure où tout semble éteint nous est donnée l’occasion de découvrir l’éloquence du silence, les vertus du non-agir volontaire et de la solitude habitée. En d’autres termes, de rencontrer notre identité réelle, le Soi (3). Car celui qui se cabre et craint si fort la finitude n’est qu’une infime parcelle de conscience. Tyran effrayé par la surévaluation de son pouvoir, l’ego est comme ces enfants qui singeant les adultes s’imaginent être les rois du monde: à la moindre bourrasque il cherche en gémissant les jupons de sa mère ou résiste jusqu’à l’absurde parce qu’il confond la force et la puissance.
La méditation, les rêves éveillés ou nocturnes, ainsi que les créations artistiques spontanées sont des techniques précieuses pour honorer les multiples besoins de notre âme. En acceptant d’investir régulièrement de notre temps et de notre énergie dans cette relation active avec nous-mêmes, nous accédons au sésame de l’épanouissement: apprendre à voir et écouter notre maître intérieur. Nos actes extérieurs peuvent alors manifester à moindre coût l’œuvre que nous désirons tant construire pour valider notre existence.
(1) au sens jungien , une focalisation de l’énergie sur le monde extérieur.
(2)épuisement psychique et physique suite à une hyperactivité prolongée
(3) chez Jung l’ensemble des tendances conscientes et inconscientes de la personnalité (unité hétérogène).